Une méthode originale pour stimuler l’esprit d’entreprendre : « J’entreprends@Bruxelles » – L’INTERVIEW
Comment sensibiliser des demandeurs d’emplois à l’entreprenariat responsable ? L’association Groupe One a expérimenté une nouvelle méthode basée sur l’apprentissage par l’action. Intitulée J’entreprends@Bruxelles, cette approche originale est essentiellement développée dans les quartiers sensibles de la région bruxelloise. Elle a d’ores et déjà permis de former 850 personnes à l’entreprenariat et au développement durable. Alexandre Bertrand, chargé de formation au sein de l’association Groupe One, revient pour Eurêka 21 sur le succès de cette opération.
Eurêka 21 : Pouvez-vous nous présenter Groupe One ?
Alexandre Bertrand : L’association, fondée il y a maintenant 7 ans, est un groupe de recherche et d’action sur le développement durable et le développement économique local. Elle vise à promouvoir une économie au service de l’homme et respectueuse de la nature. Pour répondre à cet enjeu, l’association a mis en place plusieurs mesures visant à promouvoir une transition sociale vers l’écologie. Ceci passe par la responsabilisation individuelle des acteurs économiques au développement durable ainsi que par la création d’entreprises responsables. Groupe One développe quatre moyens d’actions : la sensibilisation, la formation, l’accompagnement et l’animation des filières vertes. L’initiative « J’entreprends@Bruxelles » s’inscrit dans cette logique. Elle vise à sensibiliser les jeunes, les demandeurs d’emplois et les salariés des entreprises à un entreprenariat responsable et durable.
E21 : En quoi consiste votre démarche ?
A.B. : « J’entreprends@Bruxelles » est un programme de formation reposant sur plusieurs modules de sensibilisation basés sur la pédagogie active. C’est un outil adaptable pouvant s’adresser à des publics variés. Jeu interactif de simulation du monde des affaires, la méthode permet aux jeunes de comprendre les principes de base de la gestion d’une entreprise et de s’initier à l’entreprenariat responsable. L’association anime des séances mêlant jeu et débriefings dans les lycées de certains quartiers sensibles de la région bruxelloise. Nous formons également des enseignants afin de leur permettre de réutiliser la méthode d’apprentissage et de capitaliser les acquis de leurs élèves.
E21 : Comment se déroule une séance de formation?
A.B. : Pour chaque classe une animation de 100 à 150 minutes est conçue, centrée sur l’économie et le développement. Les participants sont projetés à la tête d’une entreprise dans un monde virtuel où évoluent consommateurs, producteurs et commerçants. Ils doivent ainsi travailler en équipe pour faire prospérer leur entreprise face à la concurrence et aux différents aléas de la vie d’une entreprise. La saine concurrence existant entre les différentes équipes stimulent les débats et les négociations jalonnant les différentes phases du jeu. Cette méthode permet aux participants d’apprendre à travailler en groupe, à communiquer, de prendre des décisions et à réaliser des compromis. Un ensemble de compétences est en permanence sollicité par l’animateur, complexifiant les données au fur et à mesure du jeu. Des enjeux liés au développement durable font peu à peu leur apparition comme l’utilisation de teintures et de coton naturels ou synthétiques, impliquant des décisions à prendre pour les participants.
E21 : Que retenez-vous de ces séances ?
A.B. : Chaque séance se conclut par un débriefing instructif. Il permet d’analyser les comportements des participants lors des négociations et des débats au sein de chaque groupe pour établir les prix de leurs produits, leur stratégie marketing et commerciale. Il contribue aussi à évaluer la stratégie globale de chaque groupe, leur offrant la possibilité de tirer les leçons de leurs différents choix. Ce débriefing offre enfin la possibilité de revenir sur les termes et les notions abordés tout au long du processus d’apprentissage et de sensibiliser les participants à un jargon économique complexe et souvent mal maitrisé. Outre le fait de stimuler l’esprit d’entreprendre, « J’entreprends@Bruxelles » démystifie ainsi le monde de l’entreprise.
E21 : Quelles suites donnez-vous à ces apprentissages ?
A.B. : Il n’existe malheureusement aucune « post-formation ». Cela permettrait probablement d’asseoir et de valoriser les compétences acquises lors des différentes séances d’apprentissage. Cependant, Groupe One n’a pour objectif que de sensibiliser les jeunes à l’entreprenariat et au développement durable. Après, c’est aux professeurs d’utiliser des outils mis à leur disposition pour approfondir les thématiques abordées lors des simulations. Pour les aider dans cette mission, l’association a mis en place des modules de formation complémentaires afin de sensibiliser les enseignants à l’animation de séances et de débriefings. C’est une formation gratuite financée essentiellement par la Région Bruxelles-Capitale.
E21 : Comment a évolué le projet ?
A.B. : Avec le succès de « J’entreprends@Bruxelles », nous avons développé de nouveaux outils de sensibilisation à l’entreprenariat visant des publics différents et notamment HomoResponsabilis. C’est un programme pédagogique de sensibilisation et de formation au développement durable. A l’instar de « J’entreprends@Bruxelles », il se base sur un jeu de simulation de gestion d’une entreprise intégrant une dimension durable suivie d’un débriefing. Cette pédagogie permet à chaque participant d’assimiler par la pratique les concepts théoriques liés au développement durable et de se positionner personnellement face à ces enjeux. Le jeu se décline en plusieurs thématiques allant de la responsabilité sociale à l’entreprenariat responsable. Nous avons aussi mis en place dernièrement le projet Ecosphère. Outil pédagogique de sensibilisation aux enjeux du développement durable, Ecosphère permet d’illustrer les conséquences de nos stratégies de développement. Le jeu confronte ainsi les participants aux limites imposées par notre environnement, notamment concernant l’épuisement des ressources naturelles. Son objectif est de démontrer la nécessité et l’urgence d’un développement durable mais aussi de comprendre les difficultés que pose sa mise en œuvre.
E21 : Comment expliquez-vous le succès de ces actions ?
A.B. : Cela fait maintenant six ans que nous avons mis en place le programme « J’entreprends@Bruxelles ». Initialement, celui-ci était gratuit pour tous, étant financé par la Région Bruxelles-Capitale ainsi que par l’Europe. Cela nous a permis de proposer notre produit à un certain nombre d’institutions parmi lesquelles les lycées et les missions locales des quartiers avoisinants. Depuis, les financements se font moindres et « J’entreprends@Bruxelles » est devenu un service payant. Les demandes restent toujours aussi nombreuses, surtout de la part des missions locales. Cela est lié au fait que l’association a créé un produit répondant aux besoins des acteurs institutionnels et des participants qui, grâce à nos modules, retrouvent peu à peu confiance en soi. Cet impact positif se ressent très fortement dans les missions locales de la région bruxelloise et le centre d’entreprise de Saint-Gilles où de plus en plus de personnes viennent chercher des informations pour créer leur entreprise après avoir suivi une de nos formations.
E21 : Pensez-vous que le succès sera toujours au rendez-vous dans dix ans ?
A.B. : Il y a cinq ans le programme « J’entreprends@Bruxelles » devait illustrer l’économie de demain, une économie complexifiée par la prise en compte des enjeux environnementaux et de la problématique du développement durable. On réalise aujourd’hui que la réalité a très rapidement dépassé la fiction et que notre initiative n’est qu’une vulgarisation du marché actuel. A l’avenir, de nouvelles interrogations sont susceptibles d’apparaître. Ceci nous incite à développer davantage d’initiatives afin de pouvoir sensibiliser la population à ces questions.
Propos recueillis par Rémy Mazet pour Eurêka 21
A découvrir également sur notre site : l’article consacré à l’initiative de l’association Groupe One intitulée « J’entreprends@Bruxelles ».