Stockholm invente un modèle « Ecocycle » de quartier durable – L’INTERVIEW

juin 2009 7 min de lecture

Avec un objectif de 11 000 logements, Hammarby Sjöstad n’est pas seulement le plus grand projet urbain que Stockholm ait connu depuis de nombreuses années, il est aussi un modèle de durabilité qui inspire des politiques d’aménagement aux quatre coins du monde. Olle Cyren, à la tête du service de développement urbain du Conseil municipal, revient sur l’aménagement d’Hammarby Sjöstad pour Eurêka 21.

 

Eurêka 21 : A votre avis, quelle est la clé du succès de Hammarby Sjöstad ?

Olle Cyren : Le projet est né dans un contexte de très forte demande en logements à Stockholm. C’était capital, Stockholm devait s’agrandir. Ce projet a donc immédiatement bénéficié d’un consensus politique, droite et gauche confondues. Il est arrivé au bon moment à Stockholm. Par ailleurs, notre méthode de travail à Hammarby Sjöstad et l’organisation du projet étaient relativement nouvelles. Ce projet a impliqué des parties prenantes très différentes, comme le conseil municipal local, les services de voierie, le service Habitat, et le département de développement urbain. En raison de la variété des acteurs impliqués, l’organisation de ce projet est unique à Stockholm. Cette large coopération a été l’une des clés du succès.

E21 : Et les difficultés ?

OC : C’est un projet de long terme, sur plus de 10 ans. Donc beaucoup de choses ont changé et nous avons dû nous adapter. Les partenaires et le contexte ont évolué. Le pays ainsi que la ville ont connu des périodes de récession économique. Et on ne peut pas y faire grand chose. Nous avons essayé de mettre en place des solutions. Nous avons par exemple construit plus d’appartements dédiés à la location, car celle-ci est plus courante en période de récession. Nous avons aussi eu des difficultés logistiques. Au début, nous construisions plus de 600 ou 700 appartements chaque année et d’importants problèmes logistiques se posaient. En réponse à cela, la ville de Stockholm a construit un centre où les promoteurs ont pu stocker des cuisines et autres installations. Ainsi, nous avons été en mesure de les livrer à temps à chaque appartement. Mais les délais de transport sur la zone ont été multipliés par six. Nous avons eu quelques problèmes en effet. Mais au final, je pense que nous les avons plutôt bien résolus.

E21 : Qui sont les acteurs clés ?

OC : La Ville de Stockholm a joué le rôle le plus décisif. La Ville est propriétaire de presque tous les terrains depuis le début. Nous voulions avoir le contrôle sur le genre de bâtiments et d’infrastructures nous allions construire. Donc la ville était propriétaire foncière, et puis a vendu le terrain aux promoteurs immobiliers, dont le rôle a également été capital. Nous avons travaillé en coopération étroite avec le secteur privé. L’université de Stockholm a aussi été mise à contribution sur toutes les questions environnementales.

E21 : Comment le projet a-t-il évolué en cours de route ?

OC : Nous avons élaboré un programme environnemental en 1996. C’est un document très important, qui a connu plusieurs modifications. Le projet a évolué avec le progrès scientifique et technique. On a revu certains objectifs à la hausse, et d’autres, qui n’étaient pas réalistes, à la baisse.

E21 : Quelle est la place des citoyens au sein du projet ?

OC : Les résidents du quartier ont créé plusieurs associations locales que nous avons consultées tout au long du processus. Nous avons ainsi construit des appartements de taille différente, y compris des studios pour les étudiants ou des logements adaptés aux personnes âgées. Nous avons aménagé des espaces d’échanges, des endroits publics où les gens peuvent se retrouver. L’Institut GlasHusEtt offre également un espace de dialogue, où il est possible de réserver des salles pour des rencontres ou réunions.

E21 : Quel est l’impact économique ?

OC : Vous savez peut-être qu’à Stockholm, les magasins sont situés au rez-de-chaussée des habitations, le long des allées. L’installation d’un nouveau quartier tel que Hammarby Sjöstad doit donc en principe créer de nouveaux emplois. Nous avions aussi des espaces industriels où les entreprises pouvaient installer leurs bureaux. Mais l’attractivité économique de ce nouveau quartier a d’abord posé problème. Il a été très difficile de convaincre les entrepreneurs de s’y installer, ou d’y commencer une nouvelle affaire, parce qu’il n’y avait alors que très peu de gens qui y habitaient. Mais aujourd’hui, Hammarby Sjöstad est devenu si célèbre en Suède et en Europe, et peut-être même dans le monde. De grandes entreprises y ont installé leur siège.

E21 : Comment avez-vous pensé l’intégration d’Hammarby dans le tissu urbain, sa continuité avec la ville ?

OC : Notre priorité a été de construire dès 2002 une voie ferrée traversant tout le quartier. Nous avons ainsi aménagé le réseau de bus et d’autres transports en commun, dont l’ouverture de lignes de ferry par exemple. La question des transports a été pensée lors de la conception même du projet, et c’est primordial pour intégrer ce nouveau quartier au sein de Stockholm. Nous avons également essayé d’identifier des facteurs d’intégration pour ne pas faire d’Hammarby une ville dans la ville, mais bien un quartier de Stockholm. Pour cela, le nouveau quartier doit être vivant et attractif. L’architecture et la conception sont donc très importantes. Pour chaque plan détaillé d’Hammarby Sjöstad, et on en compte une vingtaine, nous avons élaboré un « programme qualité » afin de créer une harmonie entre les différents espaces et les quartiers frontaliers de Stockholm.

E21 : Quelle est la prochaine étape ?

OC : Aujourd’hui nous avons déjà construit près de 7200 appartements. Ils sont prêts et les habitants ont déjà emménagé. Il reste encore 4000 logements à construire. Nous avons aussi des projets d’infrastructures publiques.

E21 : Quelles seraient vos recommandations pour une ville ?

OC : Je lui conseillerais de définir des objectifs très précis avec la maîtres d’œuvre. C’est la principale leçon que nous avons tirée. Nous voulons construire de nouveaux écoquartiers aux alentours de Stockholm et nous nous sommes rendus compte le cahier des charges environnemental devait être plus précis. Au début, nous avions peur de définir des objectifs trop contraignants. Mais quand nous leur avons demandé, les maîtres d’œuvre nous ont répondu que les exigences de la Ville de Stockholm étaient trop vagues, ils souhaitaient plus de précision, notamment sur les aspects environnementaux. Nous devons définir clairement ce que nous voulons. C’est pourquoi nous avons un lycée technique qui travaille sur le cahier des charges environnemental de Hammarby Sjöstad.

E21 : Comment exportez-vous votre modèle ?

OC : Nous avons développé un modèle, connu sous le nom de « modèle Hammarby », qui a été élaboré afin d’établir des liens entre le chauffage, les déchets et l’eau. Il offre une perspective globale sur les questions environnementales. Et c’est un modèle que j’ai l’intention d’exploiter dans les nouveaux projets de développement de Stockholm. Nous avons exporté notre modèle Hammarby dans le monde entier, nous recevons beaucoup de demandes et essayons d’y répondre. Nous accueillons à peu près 15 mille visiteurs par an. La majorité vient de ministères de gouvernements de différentes parties du monde. Ces gens ont de l’influence dans leur pays. Mais en dehors de l’Institut GlasHusEtt et de mon propre bureau à l’extérieur d’Hammarby, nous n’avons pas vraiment d’outils pertinents pour partager notre expérience. Nous pourrions faire mieux.

Propos recueillis le 8 mai 2009 par Zita Tugayé, Eurêka 21

Découvrez le concept « Ecocycle » dans l’article d’Eurêka 21 : « Stockholm invente un modèle Ecocycle de quartier durable »

Pour en savoir plus :
Le site officiel d’Hammarby Sjostad

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