Dès 2005 Mulhouse se lance dans la démarche de territoire de coresponsabilité proposée par le Conseil de l’Europe . Depuis la désindustrialisation des années quatre-vingt la Ville développe des innovations sociales pour lutter contre les risques d’exclusion. Elle a appliqué la démarche de territoire de coresponsabilité à l’ensemble de ses services sociaux et économiques pour améliorer la qualité de vie et des services rendus. Sa méthode : impliquer les bénéficiaires de ses services dès la définition d’indicateurs de bien-être et jusqu’à la réalisation d’actions concertées. Une révolution dans la relation des citoyens aux autorités locales.
Pour ce projet, Mulhouse a réalisé une première expérience en 2006 auprès de 300 Mulhousiens avant d’étendre la démarche à l’ensemble de ses services. Elle s’est appuyée sur le guide méthodologique proposé par le Conseil de l’Europe. Une équipe municipale de coordination a organisé et veillé à l’appropriation de la démarche au niveau local. Cette équipe a formé des premiers groupes dits « monochromes » de citoyens se ressemblant (jeunes, personnes âgées, mères au foyer…). Chaque groupe a exprimé sa vision du bien-être. Mélangés dans de nouveaux groupes dits « arc-en-ciel », les habitants ont ensuite établi une définition partagée du bien-être basée sur des critères matériels et immatériels, et des indicateurs compréhensibles et transférables. Ces indicateurs ont été construits grâce au logiciel Espoir mis à disposition par le Conseil de l’Europe. Ils ont servi à l’analyse du bien-être existant et à la construction d’actions pilotes de coresponsabilité. Dès 2007, plusieurs types d’actions pilotes ont été menés dans différents quartiers et services mulhousiens, financés par les porteurs de projets.
La coresponsabilité a tout d’abord été mise au service de l’inclusion sociale à travers la création d’un Contrat Social Multipartite (CSM). Organisé par le service de l’action sociale de Mulhouse, le CSM améliore l’accompagnement des bénéficiaires de prestations sociales vers le bien-être et l’emploi. Il a impliqué douze bénéficiaires du RSA et plusieurs prestataires de services sociaux et économiques. Les bénéficiaires ont défini leurs critères du bien-être et du mal-être avec l’aide d’un psychologue et d’un metteur en scène. Avec les prestataires, ils ont ensuite rédigé un contrat d’engagement réciproque planifiant des ateliers d’actions communes et individuelles. Ces ateliers se consacrent entre autres, à la gestion d’un budget ou le développement de la confiance en soi. Le succès de la réalisation des ateliers a permis le renouvellement de cette action pilote à Mulhouse.
Des expérimentations ont également eu lieu au sein d’institutions publiques comme l’établissement scolaire Albert Schweitzer. Ce lycée s’est engagé dans la démarche de coresponsabilité pour valoriser son institution, réaliser de façon concertée un projet commun et améliorer la réussite scolaire et le bien-être de la communauté éducative. Un premier laboratoire a appliqué la méthode du guide méthodologique en mobilisant une centaine de personnes (lycéens, personnel ATOS, professeurs). La journée trimestrielle de la parole et la présentation du personnel TOS en début d’année ont compté parmi les nombreuses propositions exprimées. La démarche a été généralisée à l’ensemble de l’établissement dès la rentrée 2008.
Mulhouse a aussi éprouvé la définition collective du bien-être à l’échelle de plusieurs quartiers prioritaires. A Drouot-Barbanègre, le service de l’Action Territoriale de la ville a réuni en 2008 quelques 300 habitants pour les rendre acteurs des projets du quartier et de l’implantation d’un nouveau centre social associatif. Il a associé à cette démarche le Conseil de quartier. Dans une première étape ont été défini le bien-être, le mal-être et les actions que les habitants étaient prêts à réaliser pour améliorer leur quartier. 150 habitants ont ensuite été sondés au regard des critères et des indicateurs déterminés. Des actions concrètes ont été priorisées et ont conduit entre autres à la création d’un centre social.
Mulhouse se mobilise aujourd’hui pour étendre cette démarche au niveau local via de nouvelles actions pilotes dans tous les services, et au niveau régional, national, européen et international à travers la capitalisation et la mise en réseau de ses actions. Le caractère innovant et l’efficacité de la méthode ont conduit à la création du réseau de territoires coresponsables TOGETHER, dont Mulhouse est le chef de file, dans le cadre du programme européen URBACT. Des quatre coins d’Europe la démarche de coresponsabilité rassemble jusqu’en 2012 huit villes partenaires. Elles expérimenteront chacune des actions de coresponsabilité, puis partageront et compareront leurs résultats. Une Charte des territoires de coresponsabilité prévue par le Conseil de l’Europe facilite l’engagement de nouvelles collectivités dans la démarche en précisant ses objectifs et les responsabilités de ses signataires.
L’expérimentation de la coresponsabilité à Mulhouse confirme l’utilité de la démarche et ouvre la perspective à d’autres collectivités locales d’améliorer leurs politiques publiques.
Laure Lhermet pour Eurêka 21
Retrouvez l’entretien de Sébastien Houssin, chef de projet Territoire de coresponsabilité à Mulhouse sur notre site.
A lire sur notre site : Les dynamiques des quartiers en difficultés dans les villes URBACT
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