L’éco-agglomération transfrontalière d’Alzette-Belval au service de la qualité de vie des habitants
La Lorraine qui a souffert de la crise industrielle des années 80 a trouvé dans la coopération transfrontalière et l’environnement un terrain propice de reconversion. La croissance exceptionnelle du Luxembourg offre des opportunités inespérées de développement pour le territoire français et notamment pour la Vallée de l’Alzette, située à la frontière dans le département de Meurthe et Moselle. Ceci est l’occasion de penser l’avenir de la région de manière durable. Le projet d’agglomération franco-luxembourgeois “Alzette-Belval” – qui a obtenu le label “ éco-cité ” le 4 novembre dernier – vise à la fois un regain de compétitivité du territoire transfrontalier et l’aménagement d’un cadre de vie agréable pour sa nouvelle population.
Les relations franco-luxembourgeoises ne sont pas nouvelles : 70 000 travailleurs lorrains traversent chaque jour la frontière pour palier la carence de main d’oeuvre et de diplômés du pays voisin. Aujourd’hui, ce territoire transfrontalier a souhaité conforter la coopération en aménageant un espace métropolitain commun, résolument tourné vers l’environnement.
Tout a commencé lorsque le Luxembourg s’est lancé dans la reconversion de ses sites sidérurgiques. La friche de Belval au sud-ouest du Grand Duché, est alors identifiée pour la création d’un nouveau “pôle quaternaire”, lieu de production de connaissances et de communication. Localisé à la frontière française, le projet Belval n’a pas laissé les communes de Meurthe-et-Moselle indifférentes. C’est en effet un projet colossal que le Luxembourg a engagé grâce à un financement public d’environ 1 milliard d’euros sur 15 ans : en 2021, le nouveau quartier de Belval espère accueillir plus de 20 000 emplois, 5600 habitants et environs 9000 élèves et étudiants. Ce chantier luxembourgeois ne manquera pas d’attirer de nombreux travailleurs français dans la Vallée d’Alzette, confortant l’attractivité du territoire dont la croissance démographique est, depuis 1999, presque deux fois supérieure à la moyenne nationale. Ceci implique pour le territoire de repenser aux besoins d’aménagement pour cette nouvelle population.
La vallée d’Alzette s’est penchée sur la reconversion de ses propres friches industrielles, et prioritairement du site de Micheville afin d’améliorer ses capacités d’accueil. La Communauté de communes du Pays Haut Val d’Alzette (CCPHVA) comptant 27 000 habitants, a été créée en 2004 en vue de porter le projet de rénovation urbaine. Le but de l’opération est d’arrimer le projet français d’aménagement de l’Alzette sur le projet luxembourgeois de Belval pour créer un espace cohérent et complémentaire de part et d’autre de la frontière.
Pour la Communauté de communes, le défi est de diversifier ses activités économiques, limiter la saturation des flux de transport, la fuite des cerveaux et maîtriser la construction anarchique de lotissements. Les grandes lignes du projet d’aménagement francais ont été dégagées dès 2003 par des Comités Interministériels pour l’Aménagement et le Développement du Territoire (CIADT), présidés par le Préfet de la Lorraine et associant les Conseils généraux de Moselle et Meurthe-et-Moselle, le Conseil régional de Lorraine et les communes de la Vallée de l’Alzette. En 2005, le schéma directeur “Alzette-Belval 2015” retranscrit la vision partagée des acteurs institutionnels français.
Une Charte de l’environnement rappelle les objectifs transversaux du projet, et tout d’abord, le respect de la mixité sociale et l’intégration des nouvelles populations au pouvoir d’achat supérieur. La typologie des nouveaux habitats est variée pour permettre aux ménages à faibles revenus de rester en ville tout en satisfaisant les aspirations des nouveaux arrivants, afin d’éviter l’étalement urbain. Un second objectif concerne la revalorisation de la trame bleue et verte de la région – notamment la surface boisée de 160 ha et le cours d’eau de l’Alzette dont la qualité de l’eau est actuellement classée de mauvaise à très mauvais. Cette rivière traversant la frontière, se veut la colonne vertébrale de la coulée verte du territoire franco-luxembourgeois. Enfin, le troisième objectif vise une offre intermodale de transports collectifs. La géographie de fond de vallée du territoire est particulièrement adaptée au développement des modes doux le long de l’Alzette.
Ces objectifs francais ne sont que le prolongement des réflexions avec le Luxembourg afin d’offrir aux nouvelles populations un cadre de vie agréable en intégrant l’environnement dans les partis pris d’aménagement métropolitain. La première étape du partenariat est de connecter les deux espaces nationaux autour d’un programme commun : le Schéma stratégique de Mobilité Transfrontalière (SMOT). L’objectif est d’augmenter progressivement la part des transports alternatifs à la voiture individuelle, pour qu’elle atteigne 25 % d’ici 2030. Le réseau ferroviaire est privilégié et un projet de Park & Ride devrait voir le jour aux Porte de Belval. Un projet de tram-train transnational est également en discussion.
Une gouvernance transfrontalière décentralisée s’est vite révélée indispensable pour coordonner les deux politiques nationales d’aménagement. La question des transports fera partie des compétences du Groupement Européen de Coopération Territoriale (GECT) en cours de création. Celui-ci regroupe 8 communes francaises membres du CCPHVA, 4 communes luxembourgeoises soit un total de 210 000 habitants. C’est l’outil juridique communautaire qui permettra de doter la future métropole transnationale d’une personnalité juridique et d’une autonomie financière indispensables à la planification d’autres projets communs.
Le partenariat de l’Etat francais sera également précieux pour pouvoir être à la hauteur du plan engagé au Luxembourg. Le projet, déjà inscrit dans le Contrat État/Région 2007-2013 avec une enveloppe de 23 millions d’euros a été déclaré Opération d’Intérêt National par le Président de la République le 9 octobre 2009. Il bénéficiera d’une présence forte de l’État tout au long de sa réalisation. C’est par le biais du Référentiel national d’évaluation, élaboré par le Ministère de l’Ecologie, de l’Energie du Développement Durable et de la Mer – que l’évolution du projet sera suivie et adaptée.
Un beau programme en perspective qui rappelle que les politiques de développement durable ne connaissent pas les frontières.
Marie Clémendot pour Eurêka 21, Mars 2010
A découvrir également sur notre site : l’entretien mené par Eurêka 21 avec Emmanuel Brandenburger, Directeur général des services de la Communauté de communes du Pays Haut Val d’Alzette.