Industrie et environnement en symbiose : la magie de la coopération

juin 2010 4 min de lecture
Créateur : LisaStrachan | Crédits : Getty Images/iStockphoto

A Kalundborg, petite ville danoise de 20 000 habitants, on n’a pas attendu le rapport Brundtland de 1987 pour mettre en application le concept de développement durable. La conciliation entre croissance économique et respect de l’environnement, deux buts longtemps présentés comme antinomiques, s’est imposée d’elle même. Et c’est peut être parce que le système de symbiose industrielle mis en place à l’initiative des entrepreneurs relève, comme nombre d’idées ingénieuses, tout simplement du bon sens.

Le système repose sur l’idée que la coopération donne souvent de meilleurs résultats que la concurrence. Un réseau environnemental a ainsi vu le jour dans le but d’économiser et de préserver les ressources naturelles. Chaque membre du réseau réutilise ainsi les rejets industriels et les sous-produits des autres pour alimenter son propre process industriel. Trois domaines d’action sont priviligiés : l’utilisation de l’eau, l’économie d’énergie et la réutilisation des déchets.

Tout a commencé au début des années 60, avec l’installation sur la zone industrielle de Kalundborg, de la raffinerie Statoil et ses besoins croissants en eau pour le refroidissement des machines. La raffinerie avait alors obtenu l’accord de la municipalité pour pomper l’eau du lac Tisso. Cela ne s’avérant pas suffisant, et les ressources du lac étant limitées -surtout lorsqu’elles sont partagées entre toutes les usines de la zone industrielle de Kalundborg-, la raffinerie et trois autres usines se sont associées pour recycler leurs eaux usées en fonction de l’usage de chacune. L’eau peut ainsi être réutilisée entre 3 à 4 fois en réseau fermé avant d’être rejetée. La Municipalité propose les services de son usine de traitement d’eaux pour obtenir de nouveau le haut niveau de qualité requis pour certains processus industriels. La température relativement élevée des eaux usées en facilite le traitement.

Au fur et à mesure, de nouveaux problèmes industriels ont trouvé des solutions dans de nouvelles formes de coopération entre les entreprises, enrichissant le réseau d’échange. Les entreprises ont pris conscience que les économies d’énergie possibles s’accompagnaient d’une diminution des coûts de fonctionnement de l’usine sur la base du principe de proximité. L’approche environnementale n’est alors plus une contrainte mais un facteur de rationalisation du process de l’industrie et une nouvelle source de revenus. L’environnement devient un facteur de dynamisme industriel avec le développement d’un nouveau commerce d’énergie et de sous-produits réutilisables. C’est ainsi que l’excès d’énergie thermique de l’usine de production d’électricité, Asnae Power Station, fournit de la vapeur de bonne qualité aux entreprises et alimente le système de chauffage central de la Municipalité à hauteur de la consommation de 75 000 foyers par an. Asnae Power Station transforme également son rejet de souffre en gypse artificiel remplaçant le gypse naturel dont a besoin l’usine voisine de placoplâtre.

Pour que le système fonctionne, une certaine confiance doit s’installer entre les partenaires pour qu’ils acceptent d’investir massivement dans un projet commun et d’introduire un facteur de dépendance dans la gestion des inputs. Toutes les actions reposent sur des contrats commerciaux ordinaires comportant de simples clauses de fin de coopération. Les systèmes techniques mis en place sont réversibles. La petite taille de la ville a facilité la mise en relation des différents chefs d’entreprise et a joué un rôle important dans le bon déroulement du projet.

Le projet, initié par quatre entreprises et la Mairie de Kalundborg, compte aujourd’hui sept entreprises de secteurs très divers. Elles sont impliquées dans une vingtaine de projets de symbiose. Les chefs d’entreprises pionniers ont cédé la place à la nouvelle génération d’ingénieurs, formés à cette forme originale de coopération inter-entreprise. Un Institut de la Symbiose a été créé avec la double mission d’assurer le bon déroulement des projets existants et d’identifier de nouveaux domaines de coopération possibles.

La réussite de cette coopération environnementale ouvre la voie à d’autres formes de coopération sur le plan de la sécurité, des ressources humaines, de la formation. Le modèle danois est véritablement précurseur en matière de valorisation des déchets industriels et de fabrication, puisqu’il va bien au delà des objectifs de la nouvelle directive-cadre sur les déchets – publiée à la JOCE en novembre 2008; cette dernière se limitant à la question de la valorisation des seuls déchets ménagers et du bâtiment.
La symbiose a fait son effet…

Pour Eurêka 21, Marie Clémendot
Mars 2010

Pour en savoir plus:
http://www.symbiosis.dk/frontpage.aspx

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