IN SITU : réseau européen pour la création artistique en espace public

février 2011 7 min de lecture
(c) Giancarlo Restuccia | Crédits : Getty Images/iStockphoto

Spectacles pluridisciplinaires en espace public et festivals… pour un brassage des artistes, des œuvres et des cultures européennes. Mis en place dans le cadre du programme européen Culture 2000, ce réseau qui compte aujourd’hui onze coorganisateurs et onze partenaires européens répartis dans dix-neuf pays soutient, produit et fait tourner des projets artistiques en espace ouvert et de nouvelles créations urbaines.

 

Regards croisés avec Jean Sébastien Steil, chef de projet à Lieux publics, Centre national de création à Marseille, chef de file d’IN SITU, et Kees Lesuis, assistant de direction du Festival Oerol sur l’île de Terschelling aux Pays-Bas, membre du réseau.

Eurêka 21 : Votre projet en quelques mots …

Jean-Sébastien Steil (Lieux Public, France) : IN SITU est un réseau européen dont les membres cherchent à promouvoir ensemble un renouvellement des esthétiques et des structures artistiques en espace public. Nous produisons différents spectacles et œuvres de plasticiens, gens du théâtre, danseurs ou artistes multimédia. Le champ de la création contemporaine européenne sur l’espace public est très ouvert.

Kees Lesuis (Festival d’Oerol, Pays-Bas) : Les structures partenaires revisitent les définitions traditionnelles et historiques des arts de la rue en Europe pour aller questionner la relation entre l’art et la ville. Nous cherchons à développer les échanges et la réflexion sur les créations artistiques hors murs, en espace ouvert.

E21 : Les origines ?

JSS : En 2002, pour la première fois, un appel à proposition de la Commission européenne dans le cadre du programme Culture 2000 citait entre parenthèses, dans les disciplines artistiques concernées, la mention « arts de la rue ». Nous avons lu entre les lignes. Pour nous, la Commission souhaitait s’ouvrir à un secteur émergent et très visible auprès des populations. Nous avons saisi cette opportunité et rédigé le dossier de candidature qui a été accepté.

KL : Nous avons rejoint IN SITU dans sa deuxième phase, en 2006. Le côté opérationnel du réseau nous a beaucoup plu : les rencontres, les discussions et les créations étaient nombreuses, le réseau reposait sur un travail très constructif.

E21: Comment sélectionnez-vous les projets artistiques que vous décidez de soutenir ?

JSS : Ce qu’il est important de savoir, c’est que le choix des artistes ne se fait pas au préalable. Les dossiers de candidature d’IN SITU pour Culture 2000 n’ont jamais nommé d’artistes. Au contraire, la réflexion artistique et les choix de projets font partie intégrante des activités et des objectifs du réseau. Les « Hot Houses » en sont un moment fort. L’ensemble des partenaires membres du réseau se réunit et chaque structure invite un artiste européen de son choix, de son pays ou non. Pendant quatre jours, nous partageons à huis clos ses doutes et ses questions sur son projet artistique en cours. Le but n’est pas de vendre un projet fini, mais de venir travailler avec chaque artiste sur des projets en cours de création. Le concept est à l’opposé des temps de rencontre habituels de la profession où un artiste essaierait de se faire coproduire son spectacle dans une démarche marketing.

KL: Pour moi, les « Hot Houses » sont la force et l’originalité du projet IN SITU. Les principaux temps de travail en commun du réseau sont consacrés aux questions artistiques, et non administratives. C’est ce qui en fait la vitalité. Si nous ne réunissions que sur les questions financières, juridiques ou d’organisation, le réseau s’essoufflerait de lui même.

E21: La langue n’est elle pas une barrière ?

JSS : L’un des objectifs du réseau est la mobilité des œuvres et des spectacles. Chaque coorganisateur dispose d’un budget lui permettant d’accueillir des compagnies européennes en résidence dans sa structure, son festival ou sa ville. Il accompagne les artistes dans l’adaptation de leur projet à la langue et au contexte du pays d’accueil. Il ne s’agit pas seulement d’un travail de traduction. L’essentiel est d’encourager les rencontres entre artistes européens au cours de la création, d’intégrer les populations locales et de faciliter la compréhension des œuvres dans les différents pays européens.

KL : Dans certains projets, la diversité linguistique, la musicalité de chaque langue est intégrée dans la dimension artistique. Ce n’est pas une contrainte, car cela fait partie de la création. La plus grande barrière est en fait le coût très élevé de transport des spectacles.

E21: Avez-vous constaté des différences entre les partenaires ? Un choc culturel ?

JSS : Nous avons visité une vingtaine de villes européennes, nous avons croisé des contextes culturels, urbains très variés. Nous avons une ouverture sur des formes artistiques très différentes. On est contraints de réviser en permanence notre fonctionnement, notre vocabulaire, nos catégories. Et c’est tant mieux.

KL : La France et la Hollande sont très différentes. En France, pour des raisons politiques, il est important que la culture et l’art soient gratuits. Aux Pays-Bas, il est tout à fait normal de payer pour une prestation culturelle. Les systèmes de financement de la culture ne sont pas les mêmes d’un pays à l’autre. Dans les pays anglo-saxons, la culture est financée par des conseils des arts, par les fonds du loto. Dans les pays de type fédéral comme l’Espagne, l’Allemagne ou l’Autriche, la culture est décentralisée à l’échelle régionale. D’autres pays sont très centralisés comme la France. C’est autant de contextes politiques et économiques différents qu’il faut savoir appréhender pour réussir à travailler ensemble.

E21: Quels conseils donneriez-vous ?

JSS : Une des clés du succès d’un partenariat européen est la bonne connaissance au préalable des partenaires, de leurs moyens financiers. Il faut s’assurer que tous ont la même compréhension du projet et de ses objectifs. Pour la plupart, les membres d’IN SITU sont nos partenaires de longue date ou bien des structures repérées par Lieu publics dans les festivals internationaux et rencontres professionnelles. La difficulté, c’est que nous travaillons à distance. L’animation du partenariat en est d’autant plus cruciale. Il faut porter une attention toute particulière à la communication en interne, et veiller à ne perdre aucun partenaire en route. Une rupture de communication avec l’un des partenaires, l’absence de signaux de sa part cachent généralement des soucis plus profonds, liés au cofinancement, ou à l’échec des projets menés en partenariat.

KL : La coopération transnationale n’est jamais facile. Mais IN SITU surmonte cette difficulté de façon exemplaire, car le réseau organise des rencontres fréquentes entre tous les partenaires. Nous nous réunissons au moins trois fois par an, parfois plus souvent. De cette façon, nous nous connaissons, nous avons la même motivation et il est plus facile de régler les problèmes.

E21: Trois mots pour illustrer cette aventure ?

JSS : Innovation, créativité et Dialogue.

KL : Collaboration, échange et qualité artistique.

Propos recueillis par Zita Tugayé, Eurêka 21

Pour plus d’informations :
www.in-situ.info