Hammarby Sjöstad ou la boucle du développement durable

avril 2009 5 min de lecture
Créateur : nantonov | Crédits : Getty Images/iStockphoto

Ancienne zone industrielle et portuaire sinistrée de Stockholm, Hammarby Sjöstad est aujourd’hui l’un des quartiers les plus agréables de la capitale suédoise. Retour sur l’aménagement d’un écoquartier à la pointe de la technologie et modèle de gouvernance.

 

Le projet naît en 1990 avec la candidature de Stockholm pour les Jeux Olympiques de 2004. Malgré sa défaite face à Athènes, la Ville de Stockholm s’engage dans la réhabilitation du quartier de Hammarby selon des critères environnementaux jusque là jamais égalés au niveau national.

La planification du quartier se construit autour de six objectifs tous destinés à doubler les performances environnementales du nouveau quartier par rapport aux normes des habitations des années 1990 :
– Décontamination des sols et revalorisation des terrains par l’aménagement d’espaces verts et d’un cadre de vie attractif
– utilisation des sols déjà construits
– exploitation de matériaux sains lors de la construction de nouveaux bâtiments et infrastructures
– développement maximal des transport en commun, par la multiplication des réseaux et moyens de communication (bus tramway, ferries, liaisons douces…)
– plafonnement du bruit à 45 décibels.
– l’optimisation des services d’eau, d’énergie et de déchets

Avant même toute planification, la Ville cherche à intégrer une vision environnementale à la fois transversale et globale au projet. Pour ce faire, elle organise la gouvernance entre une pluralité d’acteurs représentant les différentes facettes du développement durable : services administratifs, urbanistes, paysagistes et architectes, acteurs économiques, centres de recherches, etc. Les synergies se construisent et développent une démarche intégrée et innovante : le modèle « Eco-cycle », fruit de la coopération entre la municipalité, la compagnie des eaux Stockholm Vatten, le service des déchets de Stockholm et Birka Energi.

Ce programme de gestion des services d’énergie, d’eau et de déchets met en place le fonctionnement des habitations suivant un schéma d’éco-cycle, si particulier au projet qu’il est désormais connu sous le nom de « modèle Hammarby ». Il repose sur la réutilisation et le recyclage maximal des ressources consommées. L’analyse du cycle de vie du quartier tend le plus possible vers son autonomie. La consommation énergétique est issue à 100% des énergies renouvelables. Les eaux usées sont traitées et produisent par là même du biogaz, qui alimente les gazinières domestiques et une partie des bus de la ville. Les déchets sont en grande partie triés puis acheminés par un puissant système d’aspiration le long de canalisations souterraines jusqu’aux points de collectes situés à l’extérieur de la ville (technologie suédoise ENVAC). Ils sont ensuite recyclés et valorisés énergétiquement. Au total, ce sont 80% de la consommation énergétique alimentant le réseau urbain de chaleur et de froid qui proviennent du traitement des déchets et eaux usées. On se place donc bien sur un processus en forme de boucle, où consommation et production s’auto-alimentent.

Le relais auprès des citoyens et futurs et actuels résidents est pris en charge par l’Institut GlashusEtt, centre d’information sur l’environnement. Ce bâtiment, qui répond à toutes les exigences d’éco-conception, joue un rôle d’information et de sensibilisation des habitants du quartier sur ses spécificités environnementales et performances technologiques. Cet espace de dialogues, d’échanges et de débats réunit les citoyens autour de la prise de conscience des enjeux environnementaux.

Toutefois, la population de Hammarby se caractérise par une certaine homogénéité. Etonnamment, la mixité sociale ne figure pas au nombre des objectifs du projet. Cette lacune est source de nombreuses interrogations : quelle place la mixité sociale doit-elle occuper dans une réflexion durable ? L’aspect social est souvent le plus difficilement appréhendé dans les différentes expériences d’écoquartiers en Europe. L’originalité de l’offre qu’ils proposent accentue le cloisonnement des différentes catégories socio-professionnelles dans différents quartiers et l’on peut se demander si les écoquartiers ne seraient pas au final un facteur de stratification sociale au sein de la ville. L’architecture moderne, le style de vie écolo et les nombreux espaces verts et sans voiture en font un endroit très prisé des jeunes familles aisées, qui peuvent y accéder plus facilement.

Le projet devrait s’achever vers 2017 et comprendra alors 11 000 habitations pour 25 000 résidents. 35 000 personnes y vivront et y travailleront. C’est le plus grand projet urbain à Stockholm depuis de nombreuses années. Les premiers résultats disponibles confirment les performances environnementales : la consommation énergétique des habitations ne dépasse pas 60 Kw/m2/an (contre 230 Kw/m2/an en France en 2004 selon les données de l’ADEME). La mixité sociale reste à imaginer.

Zita Tugayé, Eurêka 21, Mai 2009

En exclusivité : L’interview d’Olle Cyren, Responsable du service de développement urbain à la Ville de Stockholm

Pour en savoir plus :
Le site officiel d’Hammarby Sjöstad

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