Etre jeune européen et décider pour sa génération
Rotterdam est le chef de file de My Generation. De 2008 à 2011 ce programme européen a réuni douze villes pour repenser la politique municipale de la jeunesse. Il apporte une réponse au désengagement des jeunes dans la collectivité locale, à l’école et dans la vie professionnelle : mieux comprendre la jeunesse pour mieux l’aider, tel est son but. Développer des politiques de la jeunesse en co-créant avec les jeunes, son ambition à long terme. Les actions menées par Rotterdam changent les jeunes : d’utilisateurs passifs ils deviennent des co-créateurs, employant les formes d’expression de leur génération.
Depuis plusieurs années, Rotterdam s’investit activement pour de la jeunesse. En 2009, la Ville s’engage dans le projet My Generation dans le cadre du programme européen URBACT. Des projets sont co-créés avec des jeunes, leur permettant de s’insérer socialement et professionnellement et d’influencer davantage la politique locale de la jeunesse. La Ville est l’une des plus jeunes villes d’Europe, mais ses jeunes rencontrent de grandes difficultés. Pour y faire face, Rotterdam crée en 1997, le Conseil des jeunes, pour intervenir auprès du Maire et du Conseil municipal. En 2004, elle propose la Commission européenne la création de la future Capitale européenne de la jeunesse pour promouvoir les politiques jeunesse puis se proclame première capitale européenne de la jeunesse pour 2009. Avec My Generation, Rotterdam souhaite améliorer l’engagement des jeunes, développer une culture de co-création et mieux coordonner les actions pour la jeunesse.
Le plan d’action My Generation vise à influencer positivement les jeunes rotterdamois, développer une approche structurelle de la prévention, leur offrir des opportunités et les préparer à la vie active. Les jeunes déscolarisés et sans travail, les NEET, sont au centre du plan d’action. A l’origine de ce plan, un groupe de soutien local rassemblant plusieurs agents municipaux, des jeunes du Conseil des jeunes, un membre d’une association d’éducation, un représentant d’un Point service aux employeurs, de la Chambre de commerce, d’ONG, de jeunes entrepreneurs, d’acteurs d’institutions éducatives ou bien encore de conseillers municipaux. Le groupe de soutien local met en place des ateliers basés sur une méthodologie adaptée, se démarquant des présentations et monologues, dans le but d’inspirer des projets locaux.
Plusieurs ateliers sont menés à Rotterdam dans le cadre du réseau My Generation visant à faciliter et évaluer le dialogue entre une pluralité d’acteurs. Les participants sont notamment invités à s’exprimer sur les projets pour identifier de nouvelles solutions. Pour encourager l’implication des participants, les ateliers sont retranscrits. Toutes les formes de communication (danse, chant, vidéo, dessin…) peuvent être utilisées pour favoriser la discussion. Pour mettre en relief les jeunes comme acteurs, le projet My Generation leur donne les moyens de s’exprimer.
Cette méthodologie de co-création est suivie par plusieurs projets. La Chambre de commerce de Rotterdam réalise le projet pilote Go2Guy/Girl contribuant à l’objectif de transition des jeunes vers l’emploi. Deux sessions de co-création sont organisées entre une vingtaine de jeunes entrepreneurs et des membres de la Chambre de commerce pour mieux communiquer et transformer les outils mis à disposition des jeunes entrepreneurs. Les ateliers sont organisés autour de présentations, de groupes de discussion, d’entretiens et de la création de panneaux d’idées réalisables. Les jeunes créateurs y expriment leur volonté d’avoir un contact personnel régulier avec un membre de la Chambre de commerce, d’être « coachés » et de bénéficier d’un réseau. La Chambre de commerce a mis en œuvre des solutions en étendant ses services. Elle ouvre de plus un espace de discussion en ligne et organise des ateliers de co-création bi-annuels, des rencontres et des évènements pour favoriser la mise en réseau des jeunes entrepreneurs.
Le projet « Community school », autre exemple, aide les jeunes à résoudre certains problèmes dans deux écoles communautaires (community schools) de Rotterdam, i.e des établissements scolaires disposant de services sanitaires et sociaux. Le projet concerne deux cents jeunes de 16 à 23 ans inscrits dans ces établissements et concernés par le décrochage scolaire. Le projet apporte une aide complémentaire à l’enseignement : un meilleur suivi, une plus grande attention et des informations concrètes sur les sujets de la santé ou de la dépendance (drogues, jeux…). L’aide est fournie par un coach s’occupant de 5 à 7 jeunes et d’une équipe de 17 experts en psychologie, assistance sociale et pédagogie en contact avec les jeunes. Chaque jeune construit avec son coach un plan flexible, interactif et basé sur la communication. Il signe ensuite un contrat d’engagement : la co-création et la co-responsabilité sont les fondements du projet. La Ville s’engage par cette intervention à servir de relai dans le cas d’une exclusion scolaire et à trouver aux jeunes une autre place dans la société. Cette solution, en lien avec la réussite du coach, prèsente un réel avantage financier pour la collectivité : les dépenses associées à un jeune NEET étant jusqu’à 15 fois supérieures à celle d’un jeune en école communautaire.
La méthodologie de My Generation donne un vrai pouvoir aux jeunes rotterdamois adaptant les services locaux à la spécificité de la jeune génération. L’efficacité des projets s’en trouve renforcée sans que cela entraine pour la municipalité d’importants investissements. Les projets My Generation à Rotterdam impliquent des aménagements intelligents de services locaux pour répondre aux enjeux d’insertion et de participation de la jeunesse. Dans le cadre de My Génération, la politique locale de la jeunesse n’est pas seulement plus proche des jeunes, mais se voit redéfinie par eux.
Laure Lhermet pour Eurêka 21, Mai 2012
Retrouvez bientôt l’entretien de Robert Arnkil, expert référent pour le programme My Generation.