Et si le temps était la chose la plus précieuse que nous possédions ?
« Ne gâche pas ton temps, investis-le dans notre banque ! ». C’est avec ce slogan, qu’en Italie, les banques du temps conquièrent de nouveaux investisseurs. Basées sur la solidarité intergénérationnelle et la réciprocité, ces banques s’adressent en priorité aux femmes et aux personnes âgées. Et alors que les marchés financiers sont en crise, les banques du temps elles, ont le vent en poupe !
Le principe qui fonde les 258 banques du temps recensées en Italie est très simple et inspiré par le système anglais des Local Exchange Trading Systems (LETS). Il s’agit de mettre du temps à la disposition d’un groupe de personnes en bénéficiant, en cas de nécessité, des compétences des autres. Les membres des groupes, entre dix et cent personnes, s’inscrivent à leur banque du temps. Ils définissent sur une fiche les compétences qu’ils mettent à disposition des autres membres ainsi que leurs besoins. Au moment de leur inscription, ils reçoivent un chéquier composé de deux parties détachables : l’une est donnée à la personne à laquelle ils destinent leur temps et l’autre est envoyée à la banque du temps. Cette dernière établit un relevé de compte où sont indiqués, pour chaque membre du réseau, les crédits et les débits d’heures.
La première banque du temps italienne est celle de la Uil Pensionati à Parme qui existe depuis 1991. Syndicat italien de retraité, la Uil Pensionati a développé et perfectionné le concept avant que celui-ci soit repris par des femmes souhaitant valoriser leur activité non salariale. La spécificité italienne réside dans le fait que 80% des membres sont soit des femmes ou des personnes âgées. Nombre de prestations offertes restent liées à l’organisation du quotidien que ce soit cuisiner pour une personne ou aller chercher les enfants à l’école. L’objectif est de valoriser son quotidien grâce à ses compétences. Le système contribue ainsi à renforcer le sentiment d’utilité des individus et, à terme, à reconstituer les liens sociaux au sein de la communauté.
Aux Etats-Unis, le système du Time dollar apparaît dès la fin des années 1980. Des retraités effectuent des heures de travail dans différents endroits de la ville, proposent leurs services à d’autres personnes, en échange de quoi ils reçoivent des Time dollars. Ces bons leur permettent d’obtenir une aide pour eux-mêmes ou des membres de leur famille. Avec le temps, les services se sont considérablement diversifiés allant des transports aux soins médicaux. En France, le premier Système d’Echange Local (SEL) a vu le jour en 1994, en Ariège. Il s’agit au départ d’associations dont les adhérents échangent des biens et des services selon une unité d’échange propre à chaque groupe : grains de sel, cailloux, etc. L’objectif est comme pour les banques du temps de valoriser ses compétences au profit de la communauté afin de garantir un accès égalitaire à certaines prestations et de retisser des liens de solidarité.
Que ce soient les Time dollars ou les banques du temps, les relations entre les systèmes d’échange locaux et les autorités locales n’ont pas toujours été harmonieuses. Il faut veiller à ce que les systèmes d’échange locaux ne se substituent pas aux prérogatives des autorités administratives, le risque étant que ces dernières se désengagent de plus en plus. Par ailleurs, certains considèrent ces groupes comme étant une forme de travail au noir remettant en cause la législation du travail. Néanmoins, il apparait aujourd’hui que les systèmes d’échange locaux assument une fonction de prévention de l’exclusion essentielle pour des personnes en situation de précarité ou d’isolement. Il y a dix ans, on recensait à peine une cinquantaine de systèmes d’échange locaux en France. Ils sont désormais plus de 300 répartis sur tout le territoire.
Rémy Mazet pour Eurêka 21, Septembre 2011