Essai et transformation pour la ville croate de Koprivnica – L’INTERVIEW

janvier 2011 8 min de lecture
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Ce qu’a accompli la ville de Koprivnica ces dix dernières années en termes d’aménagements urbains pour initier de nouvelles habitudes de déplacement est un vrai succès ; à tel point que la ville se voit décerner en 2008 l’European Mobility Award et fait désormais figure de modèle européen dans le domaine. Helena Hecimovic, membre du Conseil municipal et responsable du service Education, science, culture et sport répond à nos questions.

Eurêka 21 : Koprivnica, en quelques mots ?

Helena Hecimovic: Koprivnica est une ville de 34 000 habitants, située au nord-ouest de la Croatie. Sans relief, elle est donc aisément praticable en transport durable. Plusieurs compagnies internationales y sont implantées dont la brasserie Carlsberg et l’industrie agro-alimentaire Podravka, un important employeur de la zone.
Du point de vue économique, Koprivnica se porte mieux que les autres villes croates. Elle est classée 18ème en taille mais 1er au regard de son PIB.

E21: Pouvez-vous présenter la « European Week Initiative » de Koprivnica ?

H.H.: Le projet s’est déclenché avec l’arrivée du nouveau conseil municipal en 2001. La priorité était de repenser le développement de la ville, en déclin à l’époque, de manière durable. Plusieurs d’entre nous étant déjà engagés dans des ONG liées au développement durable, notion encore peu développée à cette période, cela a facilité les choses.
En 2001, nous avons découvert l’initiative de la « journée sans voiture » et l’avons mise en place au niveau de la ville. Nous avons été surpris de l’accueil favorable des citoyens et nous avons misé sur cet enthousiasme. En 2002, nous nous sommes impliqués dans l’initiative de la semaine de la mobilité. Les débuts ont été modestes mais de nouvelles mesures se sont ajoutées chaque année et jusqu’à ce jour. Cette semaine de la mobilité en septembre est une occasion de tester de nouvelles mesures avant de les diffuser plus largement.

E21: Et à propos du projet « Streets for People Project », en quoi consiste-t-il ?

H.H.: Notre première stratégie, sur 4 ans, s’appelait « La ville en mouvement », et après le succès de ce programme, l’initiative « Streets for people project» a été lancée. Nous avons surtout privilégié un développement plus poussé des infrastructures adaptées à la marche et au vélo et l’élargissement des zones piétonnières en ville. Nous avons essayé de réduire le trafic routier et de réaménager des espaces destinés auparavant aux voitures, au profit des vélos et des piétons.

E21: Comment la ville a mis en place ce projet ?

H.H.: Les mesures existantes furent très bien accueillies par les citoyens. La pratique du vélo étant une tradition locale, les infrastructures très limitées à l’arrivée de la nouvelle équipe municipale, nous sommes partis de ce besoin pour bâtir le projet. Nous avons donc établi de nouvelles règles dans la législation municipale : pour chaque nouvelle route rénovée, nous y ajoutons une piste cyclable et un chemin piétonnier.

E21: Quel public avez-vous ciblé pour ce projet ?

H.H.: Nous avons visé la population utilisant déjà le vélo, bien qu’elle concerne principalement les enfants. La ville gérant les jardins d’enfants et les écoles primaires, nous avions donc une marge de manœuvre et la possibilité de prendre des décisions. Nous avons pu par ailleurs miser sur la collaboration active de professeurs et de plusieurs ONG spécialisées notamment vers les publics handicapés, les premiers concernés par les questions de mobilité. Quand vous bénéficiez de l’appui de professeurs et de jeunes motivés dans une école, le travail est plus facile !

E21: Comment avez-vous impliqué les professeurs ?

H.H.: Nous avons impliqué des professeurs dans les activités de la semaine européenne de la mobilité puis en avons étendu et diffusé certaines tout au long de l’année.
Aussi bien les enfants que les professeurs ont apprécié. Nous avons mis en place de belles initiatives comme par exemple, « Le tour du monde en une semaine », où nous enregistrions dans une carte interactive pour chaque école, les trajets effectués à pied ou en vélo des élèves. Chaque école avait sa carte et était en compétition avec les autres. En une semaine, une école a virtuellement réalisé l’équivalent de la distance Kroprivnica – Amsterdam et une autre Kroprivnica – Stockholm !

E21: Comment avez-vous inclus la stratégie de la mobilité dans l’agenda 21 de Koprivnica ?

H.H.: L’agenda 21 local a démarré suite au partenariat solide entre les acteurs locaux éprouvé à l’occasion de la semaine de la mobilité. Nous nous sommes basés sur cet acquis pour lancer la démarche d’agenda 21, ce qui a favorisé son démarrage. La mobilité est aujourd’hui un axe fort de cette démarche.

E21: Quel accompagnement avez-vous reçu de l’Union européenne ?

H.H.: Nous n’avons pas reçu de soutien particulier de l’Europe. Par contre, nous avons utilisé la semaine européenne de la mobilité pour nous faire connaître auprès de l’Union Européenne. C’est ainsi que Kroprivnica s’est engagée dans plusieurs projets. La semaine de la mobilité a eu un effet très positif pour la ville car elle nous a placés sur la carte d’Europe et nous a confirmé le bien-fondé de notre démarche. Vous savez ce que l’on dit : « Personne n’est prophète en son pays ». Grâce au prix gagné dans le cadre de la semaine de la mobilité et à l’amélioration progressive de notre initiative, nous avons obtenu une reconnaissance européenne pour nos actions. Ceci a permis aux citoyens les plus mitigés de rejoindre le projet. Cette semaine de la mobilité nous a ouvert les portes de l’Europe et nous sommes aujourd’hui engagés dans plusieurs projets européens, avons de nombreux partenaires de différents Etats membres.

E21: Comment avez vous obtenu vos premiers financements ?

H.H.: Les infrastructures, l’accompagnement des associations et le travail dans les écoles ont été notamment financés avec des fonds municipaux. D’autres sources ont été mobilisées pour certaines actions : les sponsors, les dons de différentes entreprises. L’importante mobilisation de bénévoles a également largement contribué au bon fonctionnement des projets.

E21: Quels partenariats avez-vous mis en place pour réussir le projet ?

H.H.: Nous sommes fiers aujourd’hui de compter plus de 50 partenaires de notre territoire et au-delà. Ce sont principalement des structures locales issues des secteurs de l’éducation, de la santé ou de l’économie. Nous montons par exemple un nouveau projet financé par des fonds européens intitulé « Active Access ». Il vise à accroitre l’emploi du vélo ou surtout de la marche dans les petits trajets quotidiens avec une approche santé. Il implique donc l’ensemble des acteurs de l’économie locale et de la santé du territoire.

E21: Avez-vous une idée de l’impact de ces initiatives sur la mobilité ?

H.H.: Si nous n’avons pas encore de retour précis de l’impact économique, l’approche sociale est évidente. Les changements de mode de déplacement des citoyens ont eu un impact sur leur santé, leur sécurité, leur relation sociale avec l’environnement. Les citoyens bénéficient aujourd’hui d’une ville remodelée avec plus de 80 km de pistes cyclables pour un coût de 10 millions d’euros.
En outre, grâce à ce projet et au travail de nos partenaires, Koprinica est reconnue en Europe. C’est une vraie preuve de réussite !

E21: Quels conseils donneriez-vous à une ville souhaitant mettre en place un projet similaire ?

H.H.: Lancez le projet sans trop d’analyses en amont. Sinon vous ne le ferez jamais. Ce projet n’est que bénéfique en terme de santé, d’éducation, de sécurité et de vie sociale. Donc, allez-y. Commencez modestement mais commencez !

Propos recueillis le 8 mars 2010 pour Eurêka 21 par Cédric Burgun.

A découvrir : l’article d’Eurêka 21 sur Koprivnica !

Pour en savoir plus :

Ville de Koprivnica

Etude de cas « La ville en mouvement » (version anglaise)

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