Echirolles : une démarche « participe-active » pour le succès de l’Agenda 21 – L’INTERVIEW
En 2000, la municipalité d’Echirolles a réussi à mettre la commune sur les rails du développement durable grâce à une action en amont et en aval auprès de sa population ainsi qu’à une action de sensibilisation en interne. La municipalité, devant elle-même faire figure d’exemplarité, la ville d’Echirolles a ainsi adopté une démarche innovante visant à impliquer ses agents locaux dans l’élaboration de son Agenda 21. Dix ans plus tard, Stéphane Durand, directeur du Service Développement Durable de la commune revient pour Eurêka 21 sur cette démarche exemplaire.
Eurêka 21 : Pouvez-vous nous présenter rapidement l’Agenda 21 d’Echirolles ?
Stéphane Durand : Nous avons un Agenda 21 mis en place depuis 2004 même si la démarche a commencé en 2000. Le cœur de notre action cible vraiment les acteurs du territoire. Nous travaillons certes auprès des habitants, des acteurs économiques et associatifs. Mais pour nous, une des cibles importantes, souvent peu prise en compte, sont les agents municipaux. Pourquoi ? Parce qu’en termes d’exemplarité, la mairie peut difficilement demander la mise en place d’actions sur son territoire si elle ne le fait pas elle-même. La Ville doit être crédible auprès des habitants.
E21 : Comment procédez-vous pour mobiliser vos agents ?
S.D. : Les agents ont des missions auprès du public, que ce soit le service d’urbanisme, le service d’éducation qui va travailler avec les écoles. Mais la vraie question est de savoir comment chacun dans sa mission, peut intégrer du développement durable ? Si chaque agent parvient à mettre en œuvre la partie de développement durable le concernant, nous aurions une politique municipale qui serait une réelle politique de développement durable. Ce que la Ville tente donc de faire, c’est de mobiliser en interne ses agents sur le développement durable.
E21 : Auriez-vous un exemple à nous donner ?
S.D. : Un exemple très concret. Dans le cadre d’une évaluation menée en 2007-2008, le cabinet extérieur mandaté a mené avec chaque chef de service de la Ville un entretien d’une heure pour savoir ce que chacun faisait ou ne faisait pas en termes de développement durable. Au lieu de restituer ce travail sous la forme d’un rapport de 100 pages « qui ne sert à rien », nous avons souhaité faire une restitution dite « participe-active ». Nous avons demandé à chaque service de noter sur un grand panneau les actions menées depuis le début de l’Agenda 21 en 2000, et celles envisagées par la suite. Nous avons ensuite organisé une demi-journée banalisée pour chacun des agents pendant laquelle chaque service a pu présenter son panneau dans une grande salle. Pour que ça soit plus interactif, nous avons organisé ces restitutions par des groupes d’une dizaine de personnes de services différents. Cela leur a permis de partager leurs avis et leurs intérêts pour les actions et les projets menés.
E21 : Qui a impulsé cette dynamique ?
S.D. : Cela ne s’est pas fait du jour au lendemain. Il y a eu plusieurs impulsions. En 2000, lorsqu’on s’est lancé dans une démarche d’Agenda 21, cela a impliqué de travailler avec tous les services. Si on parle d’Agenda 21 et qu’on ne mobilise pas le personnel en interne, il y a quelque chose de paradoxal. Mais ce n’est pas toujours facile ! Dès 2001, nous avons lancé une formation auprès de l’ensemble des agents sur la manière dont chacun, dans ses fonctions, en tant que jardinier ou urbaniste, pouvait intégrer le développement durable dans sa pratique. L’idée était d’avoir une formation très pratique pour faciliter la mobilisation. Si nous avons pu commencer à enclencher une démarche, c’est grâce à l’Agenda 21 qui a posé le cadre, la forte volonté politique locale et un portage du directeur des services qui était convaincu. Combinée avec la démarche participative, tout cela a permis de poser les bases.
E21 : Pouvez-vous nous en dire plus sur le fonctionnement de la démarche « éco-bureau » ?
S.D. : La démarche « éco-bureau » a été lancée en 2005. Nous avons proposé à des agents le souhaitant, de penser à la démarche éco-citoyenne au bureau : la mise en place du tri, le papier recyclé, toutes ces petites choses. Aucun caractère obligatoire. Nous avons commencé à trois personnes en 2005, aujourd’hui, 23 services sur 27 sont impliqués dans la démarche. C’est une démarche qui vit bien, et cela nous a permis de lancer un grand nombre d’actions différentes. Demain par exemple, nous allons faire un contrôle dans tous les bureaux pour voir comment le tri évolue et de restituer ensuite nos constats. L’idée est de rendre co-responsable chacun dans sa mission.
E21 : Quelles sont vos perspectives d’évolution dans le futur ?
S.D. : L’étape suivante, c’est de poursuivre cette démarche dans le temps. En interne, cela consiste à maintenir la démarche « éco-bureau ». Ces démarches de mobilisation interne ne sont pas « spontanément » pérennes. Si vous relâchez l’attention, c’est comme un soufflé, cela retombe. Nous cherchons par exemple la manière pour inciter les quatre services ne participant pas encore à « éco-bureau », à intégrer la démarche. Nous devons également toujours nous améliorer sur les actions en cours : qualité du tri, diminution de nos consommations, optimisation de notre utilisation de papier… La mobilisation interne pour nous est liée à tous les projets. L’élément indispensable, c’est d’avancer. La pire des choses serait d’arrêter. Il faut donc constamment avoir des projets concrets sur lesquels on peut s’ancrer.
E21 : Quel est le rôle de votre service développement durable sur l’animation interne ?
S.D. : Nous sommes huit dans ce service et avons des missions variées : risques majeurs, animaux en ville, etc. Chacun œuvre pour le développement durable de manière très différente. Alors bien sûr, nous avons un animateur. La mobilisation interne ne nécessitant pas nécessairement une personne à temps plein, l’animateur au développement durable a aussi en charge d’accompagner le changement, à la fois pour les enfants, le grand public.
E21 : Comment évaluez-vous l’impact de ces actions en interne ? Est-il réel évaluable ?
S.D. : C’est très compliqué à évaluer car ce n’est pas du quantitatif. En 2011, nous lançons une étude auprès de la population pour voir comment selon eux, les choses ont évolué depuis 2001. Cela nous permettra d’avoir une perception du travail des services. Cela nous donnera un bon indicateur.
Nous connaissons le nombre d’animations réalisées, comment nous intégrons le développement durable dans tel ou tel projet. Après, nous travaillons à améliorer la qualité de vie habitants, en priorité. Et là en l’occurrence, cela est compliqué à évaluer. Un autre indicateur est de voir si l’équipe municipale est réélue ou pas. Sans que cela soit un indicateur de développement durable, cela montre si, pour les habitants, la Ville est exemplaire ou pas en matière de politique municipale. C’est un indicateur assez large mais il est difficile de faire mieux. Pour moi ce qui est important, c’est de savoir comment le développement durable est intégré dans les projets municipaux. On sait l’évaluer, et cela nous permet d’avoir une idée sur l’avancement des choses. Si l’équipe municipale est réélue, alors nous pouvons considérer qu’elle fait bien son travail et que nous avons répondu aux attentes de la population et que celle-ci intègre et participe donc à cette démarche développement durable menée par la Ville.
E21 : Selon vous, comment ont évolué les choses depuis 2000 ?
S.D. : Pour moi les choses ont beaucoup évolué notamment en terme de mobilisation interne. Aujourd’hui, même des services encore peu impliqués dans notre démarche souhaitent intégrer le développement durable. Ce qui est réellement flagrant aujourd’hui, c’est qu’en 2001 il fallait aller voir les services, et que désormais, nous sommes dans une dynamique inverse ; ce sont les services qui viennent nous voir pour travailler sur tel ou tel projet. Aujourd’hui nous sommes davantage dans une démarche de priorisation de notre action plutôt que de développement. Cela montre qu’il y a un changement. Notre objectif est aujourd’hui de s’assurer que les services s’approprient entièrement la dimension développement durable pour qu’on puisse nous ne plus les suivre et qu’ils puissent « voler de leurs propres ailes ». Ca fonctionne très bien dans certains secteurs. Nous sommes seulement là pour appuyer leur démarche de temps en temps. D’autres débutent encore, et pour eux, il y a besoin d’accompagnement.
E21 : Auriez-vous des conseils à donner à des municipalités souhaitant mettre en place ce type de mobilisation en interne ?
S.D. : Tout d’abord, il faut qu’il y ait une volonté politique et du directeur général des services. Cet appui est nécessaire pour entrainer de nouveaux comportements, de nouveaux modes de travail. Quand on enclenche ce genre de mobilisation, cela crée toujours des frustrations, des craintes, des résistances, et donc l’appui de la hiérarchie est nécessaire.
Un autre conseil serait de savoir prendre le temps. On n’élabore pas un Agenda 21 en deux mois. Il faut prévoir au moins un an et demi ou deux ans pour réellement lancer la démarche en interne et impliquer l’ensemble des acteurs. Dès le début, les agents municipaux doivent tous se sentir concernés.
Une troisième chose serait de travailler sur une notion de plaisir, de qualité, de valorisation du travail des agents. Aujourd’hui nous sommes dans une société où il faut répondre très rapidement aux besoins. Or la démarche Agenda 21 doit aussi permettre d’améliorer la qualité du lieu de travail des agents dans leur mission. Il faut qu’ils sentent qu’ils contribuent à l’édifice du projet municipal. Nous avons trop souvent tendance à oublier que cela va du balayeur dans la rue jusqu’au maire ! Chacun a sa responsabilité. Si le balayeur n’effectuait pas bien son travail, on ne se plairait pas dans la ville, or on a trop souvent tendance à oublier que son rôle est aussi important ! La démarche Agenda 21 doit valoriser chacun afin que la démarche soit partagée et permette d’aller de l’avant.
Propos recueillis en novembre 2010 par Cédric Burgun pour Eurêka 21
A découvrir également sur notre site : l’article d’Eurêka 21 sur l’Agenda 21 d’Echirolles et sa démarche « participe-active ».