Eurêka 21 : Comment avez-vous pris connaissance du label Cittaslow ?
Colette Laurichesse : Nous avons pris connaissance de l’existence de ce label par le biais de l’office du tourisme. Lors d’un audit interne pour améliorer la qualité de l’accueil sur le territoire, l’office du tourisme a en effet estimé que l’obtention d’une telle labellisation pourrait valoriser l’image de la commune. Par ailleurs, des actions avaient déjà été engagées dans ce sens au niveau de la communauté de commune.
E21 : Pourquoi avez-vous souhaité ce label plus qu’un autre ?
C.L. : Plusieurs labels nous ont été soumis mais le choix s’est porté sur cittaslow en raison de ses critères. Les critères imposés par le label nous ont effectivement semblé être les plus adaptés et à notre commune. En outre, ils correspondaient pour la plupart à des actions que nous avions d’ores et déjà mise en place depuis un certain temps. Or, on ne peut pas adhérer à ce genre de démarche si tout reste à faire.
E21 : Comment devient-on une « ville lente » ?
C.L. : L’appellation cittaslow ou « ville lente » repose essentiellement sur un engagement de la par de la commune et sur une grille de qualification établie par le réseau. L’engagement de la commune consiste pour celle-ci de veiller à respecter l’esprit de la charte dans l’ensemble de ses décisions et de ses investissements. Cet engagement possède un caractère évolutif. Tous les trois ans, une évaluation de l’engagement de la commune est effectivement menée par le comité cittaslow international. L’objectif de cette évaluation est de déterminer si la commune a progressé vis-à-vis de ses engagements initiaux et d’établir les domaines dans lesquels des améliorations sont nécessaires.
La grille de qualification peut, quant à elle, être envisagée comme une sorte d’état des lieux. Elle regroupe quelques grands champs d’actions prioritaires comme l’environnement, les circuits courts, la mobilité et la convivialité. Le permet des critères établis par cette grille permet de cumuler un certain nombre de points. Un total de cinquante points sur cent est nécessaire pour obtenir la labellisation cittaslow.
E21 : Quelles mesures concrètes avez-vous mis en place afin d’améliorer la qualité de vie ?
C.L. : Lorsque l’on souhaite améliorer concrètement la qualité de vie des habitants, intervenir uniquement sur un point spécifique n’est pas suffisant. Il est au contraire important d’envisager un ensemble d’actions.
Actuellement, la circulation représente notre plus grande difficulté. Deux départementales traversent effectivement de part en part la commune. Un projet est donc en cours de réalisation afin d’améliorer à la fois le confort et la sécurité des habitants du village. Des rues piétonnes devraient ainsi être créés. Ces rues longeraient les deux départementales et seraient complétés par des voies transversales réservées aux cyclistes. Les trottoirs du centre-ville devraient également être élargis afin de faciliter la circulation.
Parallèlement, nous avons aussi développé des jardins associatifs ainsi que des jardins pédagogiques destinés aux enfants du village. Ces jardins permettent d’apporter les biens faits d’une production locale de fruits et légumes. De plus, ils induisent une certaine convivialité en étant des lieux intergénérationnels où les personnes âgées peuvent transmettre aux jeunes générations leurs savoirs de la terre. Dans une optique similaire de proximité, nous avons mis en place un partenariat avec des producteurs locaux ayant pour objectif de créer un marché du terroir. Des marchands non sédentaires investissent déjà régulièrement la place du marché de la commune. Mais nous souhaitons accueillir, tous les dimanches, un marché plus conséquent axé sur la production locale et si possible biologique.
Ces projets ont été prévus de longue date. Le fait de rejoindre le réseau cittaslow ne fait en réalité que renforcer notre volonté de les voir aboutir. Toute une série d’actions avaient été entreprises avant l’obtention de ce label. Celui-ci ne fait que rendre plus prégnante notre démarche d’amélioration du confort et de la qualité de vie des habitants.
E21 : Comment les habitants ont-ils été impliqués dans le processus Cittaslow ?
C.L. : Du fait de la taille du village (2600 habitants), les habitants sont naturellement au cœur de toute démarche entreprise par la commune. De plus, les actions entreprises dans le cadre du label cittaslow ne bousculant pas les habitudes des habitants, leur implication est considérablement plus facile à obtenir. Néanmoins, comme toujours, certains habitants sont pleinement impliqués dans la démarche alors que d’autres ne le sont pas du tout. Pour la commune, le label cittaslow permet surtout, d’un point de vue de la sensibilisation des habitants, de mettre des mots sur une démarche qui existait déjà préalablement.
E21 : Comment communiquez-vous autour du projet ?
C.L. : Très rapidement, dès que la commune s’est engagée dans une démarche d’obtention du label cittaslow, des réunions publiques ont été organisées. Un grand nombre de personnes se sont déplacés pour assister et participer à ces réunions. Ceci nous laisse supposer que la démarche de labellisation du village a été d’emblée perçue positivement par les habitants. Tout au long du processus des articles ont été publiés dans le journal municipal afin d’informer les habitants des actions entreprises par la commune dans le cadre de cette démarche. Des dépliants présentant les actions de la commune ont été mis à disposition des habitants et distribués aux différents commerces du village.
E21 : Pensez-vous que l’obtention de ce label peut éventuellement changer l’image du village ?
C.L. : Je ne pense pas que l’obtention du label cittaslow modifiera en profondeur l’image de Segonzac qui est dont la qualité de vie est d’ores et déjà reconnue. Le label est à mon avis une mise en lumière positive du village s’appuyant sur la réalité et non pas sur une simple opération marketing.
E21 : Quelle est la différence entre cette démarche et celle d’un agenda 21 ?
C.L. : Je pense que les préoccupations à l’origine de ces deux démarches sont les mêmes. Cependant, nous n’avons entrepris aucune démarche en faveur de l’élaboration d’un agenda 21 au sein de la commune. Selon moi, le label cittaslow correspond mieux à nos attentes. Il répond concrètement aux attentes des habitants qui en grande majorité cherchent à améliorer leur quotidien. Or, le label cittaslow permet à chacun de trouver son compte. Certains habitants impliqués dans la démarche sont intéressés par la préservation de l’environnement alors que d’autres souhaitent avant tout développer l’agriculture biologique locale. Le label permet de répondre à l’ensemble de ses préoccupations. Il n’est pas une démarche ciblant un domaine spécifique mais représente au contraire une approche transversale.
E21 : Que vous apporte le fait d’intégrer le réseau Cittaslow ?
C.L. : L’obtention du label cittaslow a été vécue comme une forme de reconnaissance de la politique mise en place par la commune ces dix dernières années. De plus, cela apporte une véritable cohérence à la politique du territoire mise en place à la fois par la commune et par la communauté urbaine. Les actions mises en place ne sont pas fondamentalement différentes de celles qui auraient été entreprises si la commune n’avait pas été labellisée. Mais l’obtention du label permet de clarifier et de qualifier la démarche entreprise par la commune.
En ce qui concerne le réseau cittaslow a proprement dit, le fait de l’avoir intégré représente une fabuleuse opportunité pour la commune d’échanger et de partager son expérience avec d’autres membres du réseau. En outre, celui-ci est une véritable mine d’information permettant à ses membres de trouver des solutions à adapter aux difficultés rencontrées sur le terrain. La création d’un réseau cittaslow français serait alors une opportunité à ne pas louper. L’expérience de chaque commune pourrait effectivement servir aux autres sans qu’un travail de traduction soit par exemple nécessaire.
E21 : Comment expliquez-vous qu’il n’y ait pas davantage de communes en France qui aient fait la démarche de rejoindre le réseau Cittaslow ?
C.L. : Le label cittaslow a vu le jour en Italie. Aussi, en dehors de l’Italie, le label est relativement peu connu. Actuellement, plus de la moitié des villes ayant été labellisée sont italiennes. Quant à la seconde moitié, la plupart des communes qui la compose ont des liens avec l’Italie. Il y a pourtant en France une réelle demande pour ce genre de labellisation engageante. Le label cittaslow est d’autant plus intéressant que les critères qu’il impose nécessitent peu de moyens. Cependant, il ne suffit pas uniquement de répondre à un cahier des charges. Le label suppose un engagement fort de la part des élus et cela peut représenter un frein pour d’éventuelles adhésions.
Le label n’est toutefois pas adapté à toutes les communes. Certaines villes ne souhaitent ainsi tout simplement pas adhérer à ce label car il ne répond pas à leurs attentes. D’autres villes sont d’ores et déjà détentrices de labellisation similaires. Néanmoins, nous espérons que notre obtention du label incitera d’autres communes à rejoindre le réseau cittaslow. Le nombre élevé de demande d’information que nous recevons chaque année nous laisse penser qu’un grand nombre de communes sont intéressées par la démarche. Cependant, nous sommes conscient que la plupart de ces demandes n’aboutiront pas forcément à l’adhésion au réseau des communes qui les sollicitent. Mais cela montre qu’un certain nombre de communes s’interrogent aujourd’hui sur leurs pratiques et éventuellement sur les moyens dont elles disposent pour améliorer celles-ci.
E21 : Qu’envisagez-vous pour la suite ?
C.L. : Nous souhaitons que les projets que nous avons entrepris jusqu’à présent aboutissent. Il est important de souligner que ce n’est malheureusement pas toujours le cas. La plupart des projets mis en place répondent à la volonté des élus de développer le territoire en exploitant au mieux ses atouts. L’objectif étant toujours de tendre vers une meilleure qualité de vie. Le rôle des élus est en effet de donner envie aux habitants de sa commune d’y vivre, d’y vieillir et d’y voir grandir leurs enfants. Ce type de label qui est à la fois philosophique et pragmatique nous encourage à prendre des initiatives qui vont dans ce sens.
E21 : Que diriez-vous à une autre commune française pour lui donner l’envie de rejoindre le réseau ?
C.L. : Il faut que la commune est véritablement envie d’adopter ce type démarche. Il important qu’elle possède déjà une forme de « patrimoine cittaslow » c’est-à-dire une forme d’acquis que traduirait la mise en place préalable de toute une série de démarche en faveur du « mieux vivre ». Il est, à mon avis, impossible de partir de rien. Enfin, je pense, que l’obtention du label ne doit pas être une fin en soi. Les communes peuvent effectivement toujours y puiser des pratiques intéressantes dans la façon de penser l’avenir de leur territoire et ce sans jamais viser une éventuelle labellisation. Une ville australienne disait que c’était une façon de préparer le futur en s’appuyant sur la patrimoine existant ».
Propos recueillis par Rémy Mazet pour Eurêka 21, Juin 2011